Sortie Vallée des Saints.
En ce jour de l’ascension, nous étions accueillis, par la municipalité de Grâces qui nous offrait un copieux petit déjeuner au départ de cette sortie organisée par Maryvonne et Louis Riou.
Mr le Maire Yannick Legoff,le premier adjoint Michel Lazbleiz ,l’adjoint Patrick Crassain et leur épouses sur invitation de Louis allaient nous accompagner tout au long de la journée.
Au programme figuraient :
La visite du Château de Keranno, la visite de l’église de Plusquellec suivie d’un repas au restaurant La Table Gourmande, la vallée des Saints à Carnoët et la visite de l’église de Plourac’h.
La journée se terminait au dépôt vente Chez Petit Hub à Grâces ou Hubert et sa famille avaient mis les petits plats dans les grands pour nous offrir une formidable soirée barbecue dans ce décor insolite.
Pour commenter les visites Louis avait invité Jean-Paul Rolland président des Amis du Patrimoine qui nous a révélé avec sa verve intarissable les trésors, les secrets et les anecdotes relatifs aux lieux que nous visitions, vous trouverez ci-dessous son résumé.
Un grand merci aux organisateurs, à Mr et Mme Joudé pour leur accueil chaleureux à Kerrano et une pensée pour Jean Claude le Mat victime d’une panne de carburation à répétition, (vite réparée à l’aide d’un bidon d’essence transformé pour la journée en réservoir) et d’un petit détour par le fossé au sortir du site de la vallée des Saints sous la pression de la maréchaussée pour défaut de stationnement….
et un super hourra à Petit Hub et son équipe.
Yann Civilise
GENESE DE LA VALLEE DES SAINTS
En 1994, le Saint-Politain Philippe Abjean, avec deux compagnons, relance, dans une formule contemporaine : le Tro Breiz (tour de Bretagne), par étape. Ainsi, début août 1994, 650 personnes partent de la cathédrale de Quimper après avoir honoré St Corentin pour celle de St Pol de Léon pour vénérer St Pol l’Aurélien. L’année suivante, les effectifs ont grandi, le pèlerinage repart de St Pol de Léon pour rejoindre Tréguier et salué St Tugdual. Pendant 7 années, les pèlerins feront revivre cet antique pèlerinage circulaire, unique au monde. Des croyants, des athées, des passionnés d’histoire et adeptes de la randonnée de toutes catégories sociales et d’âge, dans un seul but : être ensemble et partager un moment de vie.
En 2008, ce « missionnaire laïc », professeur de philosophie s’aperçoit que les églises se remplissent sur le passage du Tro Breiz. Une « colère » intérieure l’exaspère sur le recul du catholicisme en Bretagne. Les gens, pour lui, sont demandeurs de beauté et de sens ! Et c’est ainsi qu’a germé ce projet de la vallée des saints.
Au 6ème siècle, l’Armorique devient Bretagne par l’arrivée massive d’émigrés bretons venus du pays de Galles et de la Cornouaille britannique.
La population indigène peu nombreuse et dispersée, l’installation des bretons, parlant une langue peu différente, se fit sur un mode pacifique. La Vie des saints les font arriver sous la conduite de chefs religieux ou civils.
Sept de ces chefs religieux furent considérés par la population de l’Armorique comme les saints principaux du pays. Ainsi s’établit un pèlerinage breton.
Cet antique pèlerinage (aurait été pratiqué depuis le 9èmè ou 10ème siècle, les historiens ne sont pas encore d’accord sur la date) était tombé dans l’oubli depuis la fin du 16ème siècle (guerre des religions). Les pèlerins allaient s’incliner sur les 7 tombeaux des évêques fondateurs de la Bretagne en empruntant un itinéraire précis. Il était presque une obligation pour un breton, selon une légende : « celui qui n’aura pas fait le Tro Breiz durant sa vie devra le faire après sa mort en avançant chaque jour de la seule longueur de son cercueil ».
Projet de la Vallée des saints
Les 7 premières statues furent sculptées en août 2008 sur la place du Kreiker à St Pol de Léon, en attente de trouver un site digne de ce nom pour recevoir mille statues ! Ces premières statues furent évidemment les 7 premiers évêques fondateurs : St Corentin, St Pol l’Aurélien, St Tugdual, St Brieuc, St Malo, St Samson, St Pattern.
En 2010 ce projet « fou » pour l’éternité rejoint Carnoët sur le site historique de Quénéquillec pour devenir une sorte d’île de Paques bretonne. Ce projet revêt plusieurs facettes :
- L’histoire de la Bretagne du 4ème au 6ème siècle, souvent méconnue. On les appelle saints, en réalité des pionniers d’Irlande chassés par les Picts, les Saxons…. Par centaines qui sont venus « coloniser » l’Armorique en suivant les voies romaines. Ils n’avaient pas le statut de saints, c’étaient plutôt des aventuriers car ils avaient traversé la Manche en barque (curragh).
- L’économie, car les granitiers bretons sont « sinistrés ». Ainsi relancer, d’une certaine manière, l’économie bretonne du granite. La profession représente 1500 emplois et ce projet sera une vitrine mondiale sur la qualité du granite breton.
- Le tourisme, car nous sommes dans une zone déshéritée (Bretagne intérieure), les projets ne sont pas légion.
- Le spirituel : un lieu de pèlerinage au sens large du terme. Chacun y trouvera ce qu’il voudra ; les nouveaux chrétiens, chacun devant une statue peut penser ce qu’il veut, la partie artistique, ou l’incarnation d’un saint… selon les prédispositions de son âme.
- La pédagogie, à terme : mise en place d’une école de sculpture monumentale et lieu de réflexion sur le message que ces personnages sont venus nous délivrer et qui sont sûrement encore d’actualité.
Pourquoi, ici, à Carnoët ?
Lorsque Philippe Abjean est venu pour la première fois, a fait savoir, au maire Rémi Lorinquer « Avoir ressenti sur ce site une âme », en plus, de la présence, d’une motte féodale chargée d’histoire, d’une fontaine très ancienne et de la chapelle St Gildas du 15ème siècle. Ce même maire d’une commune de 756 habitants, petit poucet de la « compétition » pour l’obtention de ce projet, avait acquis cette ferme de Quénéquillec et les terrains (35ha) en 1995. Il y voyait un potentiel connecté sur un projet touristique (chemins de randonnée, ferme équestre, camping…). Et puisqu’on fait appel à des valeurs d’égalité, de justice véhiculée par le christianisme, Philippe Abjean avait souhaité que les zones déshéritées de la Bretagne reçoivent ce projet, et, pourquoi pas, qu’il devienne une locomotive pour le Centre Bretagne !
Malheureusement, en mars 2011, le maire Rémi Lorinquer, nous quitte prématurément. Cependant, Marie Guéguen, son adjointe, lui succédera et ancrera ce projet, définitivement sur ce site, par un bail emphytéotique de 49ans, en 2012.
Il faut souligner que ce projet n’a pas rencontré d’oppositions farouches de la part des agriculteurs. L’économie, en place à Carnoët et ses alentours, étant constituée essentiellement par l’agriculture, certains y voient une opportunité pour s’ouvrir sur une autre économie qu’est le tourisme. Ainsi la Vallée des saints essaie de travailler en bonne intelligence avec les gens du pays et les structures territoriales.
Ce projet se met petit à petit en place. Il ne fait pas appel à de l’argent publique, il progresse selon l’argent disponible, un peu dans l’esprit de la construction des cathédrales au Moyen –Age. Cependant il est prévu de construire, dans l’immédiat, une structure d’accueil et un hall de vente de produits dérivés afin de dégager quelques subsides financiers pour permettre à la structure d’accueillir les visiteurs correctement. Par contre celle-ci nécessitera quelques subventions territoriales.
Beaucoup se pose la question : vallée des saints ?, alors que les statues se trouvent sur une colline ?
En latin : « vallum » qualifie un système de fortification. Quénéquillec et sa motte féodale en est un. Aujourd’hui, les sculptures entourent la motte. Mais demain, quand il y en aura davantage, elles descendront peu à peu dans la vallée… Et c’est aussi un clin d’œil à la vallée des rois en Egypte !
Comment sont financées ces statues ?
C’est la préoccupation de beaucoup de visiteurs. En 2014, le prix est fixé à 12000€. Il se décompose en deux : le prix du granit (les 7 premiers blocs ont été offerts par les granitiers) et le transport, le grutage, location de matériel, rémunération et hébergement des sculpteurs. Pour parvenir à cette somme, l’association de la vallée des saints fait appel au mécénat :
Grâce à des entreprises ou sociétés (60% de réduction fiscale)
Et aux particuliers (66% de réduction)
Aux regroupements de personnes autour du financement d’un saint dans le cadre du Mouvement des Compagnons.
Ces mécènes se concertent, font appel à tel ou tel sculpteur et définissent avec lui leurs attentes suivant un cahier des charges relativement souple mais qui demandent trois choses :
la statue soit verticale (comme un menhir, cependant cette exigence peut être transgressée, comme St Turio qui figure comme un gisant),
le saint ou sainte ait un visage,
un symbole qui le caractérise.
Ce projet n’a pas lien avec la paroisse ou le diocèse ou une communauté religieuse. Chacun pourra y trouver ce qu’il souhaite : art, religion ou histoire.
Le compagnon ou le mécène va vivre l’aventure du financement, la recherche historique, la réalisation de la maquette et la rencontre avec le sculpteur.
Pour suivre l’évolution du mécénat de telle ou telle statue, un site internet est ouvert : www.lavalléedessaints.com.
Ces sculpteurs travaillent durant quatre semaines, cela peut paraître très court. Mais ces artistes utilisent des outils modernes (pneumatiques ou électriques) d’une part et d’autre part ils intègrent un jeune apprenti qui prouve ainsi sa volonté de s’investir en apprenant.
Certaines personnes ont qualifié ce projet de fou ! Fou peut-être, mais pas débile. Les bretons ne sont bons que dans la démesure parce que la spiritualité celtique inspirée par les Pères du désert, est justement une spiritualité de la démesure. Il faut des projets hors normes qui cristallisent l’identité bretonne. La carte d’état-major de la Bretagne est à elle seule, une litanie des saints ! Au moins 700 à 800 noms.
Ces saints tombaient dans l’oubli. Ors, ils sont porteurs d’une culture populaire, à travers toutes ces légendes qui leur sont accolées. Mais derrière ces légendes, il existe une spiritualité à laquelle on ne s’est jamais intéressée.
Château de Keranno : construction des 17-18ème siècles mais dont une seule aile subsiste, l’autre ayant disparu dans un incendie au milieu du 19ème siècle. Mr et Mme Joudé, viennent de l’acquérir en 2014 et s’attèlent à le rénover dans les règles de l’art. Malgré les travaux, ils ont bien voulu nous le faire visiter « de la cave au grenier ». Un grand merci à eux ! Ce château possède, en autre, un remarquable escalier en pierre, au bout d’une aile du château et qui permet de desservir les deux ailes à la fois. Ce château est inscrit aux monuments historiques depuis le 18 novembre 1965.
Eglise de Plusquellec : Eglise de Notre Dame de toutes Grâces,où nous avons remarqué : le porche sud (1551) en particulier les voussures avec une petite figurine dénommée le « pisse dru » ; les 12 apôtres qui nous faisaient une haie d’honneur avant d’entrer dans l’édifice. La chaire à prêcher est remarquablement sculpté où à la fin du 19ème siècle un recteur a fait « raboter » les seins des cariatides qu’il jugeait indécents !!!
Eglise de Plourac’h : aussi dénommée la cathédrale de l’Argoat. Eglise St Jean Baptiste qui possède également un porche sud remarquable (15ème siècle) où les 12 apôtres possèdent encore des traces de polychromie ainsi que la Vierge à l’enfant. A l’intérieur, une déploration du Christ (Jésus descendu de la croix sur les genoux de sa mère) où la Vierge est représentée vêtue de la cape de deuil de nos grandes mères. Le retable du Rosaire nous montre la virtuosité des sculpteurs sur bois du 17ème siècle.
ROLLAND Jean Paul
